
Dans les profondeurs rurales du Moyen-Chari, là où les pistes rouges dessinent la frontière entre l’homme et l’animal, une initiative novatrice réunit deux mondes trop souvent séparés. À travers une campagne de vaccination conjointe, la santé humaine et vétérinaire s’allient au nom d’une seule cause : préserver la vie dans ses formes les plus vulnérables.
Après avoir fait halte à Moussafoyo, la caravane sanitaire portée par la Délégation Sanitaire et celle de l’Élevage du Moyen-Chari, avec le soutien actif du Programme d’Appui au District Sanitaire de Danamadji (PADS) financé par la Coopération Suisse, poursuit son avancée. C’est au tour du village de Moyo, de ses ferricks voisins et de la sous-préfecture de Djeké-Djeké d’accueillir cette campagne résolument intégrée.
Sous l’étendard du concept » One Health », cette opération illustre une vérité que les pasteurs nomades connaissent intimement : quand le troupeau souffre, la communauté chancelle. Quand les enfants tombent malades, l’avenir s’obscurcit. Il n’est donc plus question de traiter séparément l’humain et l’animal, mais d’apporter des réponses synchronisées, adaptées à la réalité des territoires oubliés.
Dans les ferricks de Moyo, les voix d’enfants éclatent de joie après la piqûre tant redoutée. Leurs mères, souvent privées d’accès aux soins, reçoivent des consultations de routine et des conseils essentiels. Pendant ce temps, un peu plus loin, les agents vétérinaires veillent sur les troupeaux, administrant les vaccins qui préserveront chèvres et bovins des épizooties.
« C’est une bénédiction que vous nous apportez. Ici, nos enfants et nos bêtes sont tout ce que nous avons », confie un éleveur en observant les seringues s’enfoncer avec précision dans les cous tendus de ses animaux. Pour ces communautés mobiles, vivre signifie souvent marcher entre deux fragilités : la santé et la précarité.
Ce projet illustre surtout une méthode. Il ne s’agit plus seulement de faire acte médical, mais de tisser une approche collective, solidaire et durable. « La santé pour tous ne doit pas être un slogan, mais une réalité, même dans les zones les plus reculées », a martelé Dr Kyere Eric, représentant de la Coopération Suisse, en saluant la mobilisation exemplaire des équipes.
Médecins, infirmiers, vétérinaires, relais communautaires… tous ont travaillé main dans la main, transportant vaccins et espoir à travers des kilomètres de brousse. Et si les défis logistiques restent immenses, le soutien des populations locales, leur soif d’équité sanitaire, constitue le meilleur carburant de cette caravane du vivant.
Les communautés rencontrées ne demandent qu’une chose : que l’initiative se pérennise. « Nous voulons que cela se répète au moins tous les six mois », plaide un chef traditionnel de Moyo. Un vœu légitime, dans un contexte où les services de santé sont rares, et où chaque geste médical devient un acte de résistance contre l’oubli.
L’expérience du Moyen-Chari porte en elle un message fort. Elle prouve que des solutions de santé intégrée peuvent exister, même dans les zones les plus complexes, à condition de bâtir des passerelles entre les disciplines, de conjuguer volontés institutionnelles et réalités locales.
Ici, la santé devient un pont entre l’homme et l’animal, entre l’État et les marges, entre la théorie et le terrain. Et sur ce pont, marche une caravane. Pas seulement de vaccins, mais d’humanité.
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Correspondance – Voix du Grand Moyen Chari