
À Sarh, chaque fin de mois ou à la moindre rumeur de virement, les abords des banques, notamment la Coris Bank (ex-SGT), se transforment en un véritable champ de bataille silencieux. Hommes et femmes, fonctionnaires de tous horizons, affluent dès l’aube – parfois même en pleine nuit – pour tenter d’être les premiers à accéder aux guichets et retirer leur dû.
La scène est saisissante : files interminables, regards épuisés, murmures angoissés… mais aussi tensions palpables. Les disputes éclatent régulièrement : “Je suis arrivé avant toi !”, “Recule un peu !”, “C’est ma place !” crient certains, cherchant à défendre leur position dans une file devenue chaotique. Les agents de sécurité peinent souvent à contenir ces débordements, reflet d’une exaspération générale.
Autre phénomène marquant : certains profitent de la situation en brandissant plusieurs cartes bancaires – celles de collègues ou de proches restés chez eux – pour accélérer les retraits et maximiser leur passage. Une pratique tolérée par nécessité mais qui suscite parfois jalousie et mécontentement chez ceux qui attendent depuis des heures.
Le récit de cet enseignant illustre le désespoir ambiant. Parti de chez lui à deux heures du matin pour être le premier, il s’est heurté à la remarque d’un agent de sécurité lui demandant de vérifier l’heure. Loin de rebrousser chemin, il a préféré rester sur place jusqu’à huit heures, l’heure d’ouverture officielle, déterminé à ne pas perdre sa place chèrement acquise.
Ces scènes interrogent : est-il normal que des travailleurs, garants du fonctionnement de l’État, soient réduits à se bousculer et à veiller toute la nuit pour percevoir un salaire qui leur revient de droit ? Ce ballet mensuel met en lumière non seulement des difficultés logistiques mais surtout un malaise profond sur la gestion et la communication autour des paiements.
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Correspondance – Voix du Grand Moyen Chari