
Le monde culturel tchadien perd l’un de ses plus précieux artisans. Saradoumgué Yamadjita, gardien infatigable du musée régional de Sarh et fondateur du légendaire groupe Sao Junior, s’est éteint dans sa ville natale, léguant à la postérité une œuvre immense… et laissant derrière lui un musée en quête d’âme.
Né en 1958 à Fort-Archambault (actuel Sarh), Yamadjita aura dédié sa vie à la préservation, à la valorisation et à la transmission de la culture du Sud tchadien. S’il a marqué les esprits comme auteur-compositeur et formateur de générations entières d’artistes, c’est surtout son combat inlassable pour faire vivre le musée régional de Sarh, deuxième plus grand musée du pays après celui de N’Djamena, qui force le respect.
Dans un bâtiment à l’abandon, au mobilier vétuste, parfois sans lumière ni visiteurs, Yamadjita a tenu bon. Il a été le dernier rempart contre l’oubli, défendant pièce par pièce, récit après récit, les fragments d’une mémoire collective menacée par le silence et l’indifférence. Il nettoyait, classait, guidait, sensibilisait… souvent seul, sans moyens, mais avec une foi inébranlable dans la nécessité de sauver ce patrimoine.
Malgré les cris d’alerte qu’il n’a cessé de lancer sur l’agonie du musée, peu d’oreilles ont su entendre la détresse de ce haut lieu de culture. Et c’est l’un des grands regrets qui accompagnent sa disparition : il part sans avoir vu renaître le musée qu’il a tant aimé, tant protégé.
Homme d’humilité, Saradoumgué Yamadjita n’a jamais cessé de croire en la jeunesse, en l’éducation par la culture, en la force des objets pour raconter l’histoire d’un peuple. Son engagement, silencieux mais profond, a contribué à maintenir vivante une mémoire que beaucoup avaient déjà enterrée.
Ses obsèques auront lieu le samedi 28 juin 2025 à Sarh. Le monde culturel, les amis, les élèves, les curieux et les anonymes s’y rassembleront, non seulement pour pleurer un homme, mais pour saluer une vie consacrée à la culture, dans sa forme la plus noble : celle du sacrifice.
Aujourd’hui, un homme s’en va. Mais avec lui, c’est tout un musée qui retient son souffle.